Voyager sans argent ne demande pas de savoir-faire particulier, mais ce n’est
possible qu’une fois qu’on s’est bien rendu compte d’une chose:
Les gens bienveillants sont légions.
Bien
que j’ai écrit la précédente en gras et en italique, je me doute bien
que vous n’en croyez pas un mot. Sans rancune, c’est un petit chemin de
croix de désapprendre la méfiance qu’on nous inculque depuis le berceau.
L’important c’est que ce soit vrai.
Par
exemple, je vous parie que si je me pointe dans votre village avec ma
bouche en cœur, ma sale gueule de branleur aux cheveux long enfarinée et
que je demande à vos voisins de m’héberger pour la nuit, ils vont me
dire… non. Leurs voisins aussi. Le voisin de leur voisin aussi
peut-être. Mais avant la dixième demande, je serais bien installé chez
votre énième voisin, à bouffer sa bouffe, boire sa poire et dormir sous
son toit, et je sais très bien ce que vous être en train de vous
imaginer au sujet de sa femme.
Le lendemain,
en repartant, j’aurai le sourire aux lèvres en repensant à cette bonne
soirée chez votre énième voisin, et je vous ŕeparie ce que j’ai gagné au
pari précédent que votre énième voisin, il l’a aussi, le sourire aux
lèvres.
Le voyageur sans argent laisse des sourires derrière lui, plutôt que des empreintes de cartes bancaires.
Je
viens tout juste de faire Lyon - Berlin en auto stop sans argent avec ma
femme et mon fils. Des huit conducteurs qui nous ont emmené sans nous
faire payer, je suis à peu près sûr qu’il n’y en a pas un qui le
regrette. En plus du voyage, on s’est fait offrir des repas, des
cigarettes, des bonbons, un parapluie (si si, un parapluie)… Des trucs
qu’on n’avait absolument pas demandé, mais que voulez-vous, les gens
bienveillants sont légions. Et ils n’ont pas assez d’occasions de
défouler leur bienveillance.
Le voyageur sans argent leur en offre enfin
la possibilité. C’est limite cathartique pour eux. J’en suis un
moi-même. Quand je trouve enfin un hère plus pauvre que moi à qui il
manque quelque chose que j’ai en trop, c’est garanti qu’il repart avec.
Et j’en garde le sourire toute la semaine.
Je
vais maintenant passer en mode pratique, mais il est important de
réaliser que tous les trucs et astuces du monde ne servent à rien tant
que vous n’acceptez pas au fond de votre cœur la réalité du fait que les
gens bienveillant se ramassent à pelle.
Déplacements
Ben
le stop, évidement. Notez que c’est illégal nulle part (si le flic dit
que c’est illégal, il a tort. Faut se rendre à l’évidence, il y a peu de
chance que le flic qui vous contrôle ait lu la loi concernant
l’autostop, si tant est que telle loi existe dans votre juridiction). Ça
marche de jour comme de nuit, sur les nationales, les départementale,
les autoroutes et aussi en ville (testé avec succès à Lyon, Londres et
Singapour).
Pour les long-courriers,
privilégier l’autoroute, où il est important de savoir qu’on ne peut pas
tendre le pouce sur la bande d’arrêt d’urgence. À la place, il faut
sauter d’aire de service en aire de service, jusqu’à votre destination.
Un bon autostoppeur qui se lève tôt peut couvrir 1000 kilomètres en une
journée sur autoroute. Contrairement au cliché, ce sont plutôt les
voitures que les camions qui prennent.
Cela dit, ne passez pas à côté
d’un voyage en camion. Les routiers qui prennent les autostoppeurs sont
d’une hospitalité à casser trois pattes à un canard. Après tout, vous
n’entrez pas simplement dans leur véhicule, vous entrez dans leur
demeure. Inexplicablement, l’analogie se transfère très mal aux
détenteurs de caravanes, qui ne prennent jamais d’autostoppeurs.
Hitchwiki est le wikipedia de l’autostopeur. Commencez par là peut-être:
En
ville, y a aussi la méthode de tricher dans les transports en commun.
C’est une pratique qui me débecte, et si vous faites ça, je vous crache à
la gueule. À part si vous êtes vraiment sans argent. Genre, vous avez brûlé vos papiers et tout et tout. J’ai un pote qui a fait ça et qui vit vraiment sans
argent, et quand il prend le bus, il porte une pancarte autour du cou
qui explique, dans la langue locale, qu’il n’a pas de ticket parce qu’il
est dans l’impossibilité de s’en procurer un. Il me dit que ça démarre
des conversations passionnantes avec les contrôleurs, qui ne le
verbalisent jamais. Et de toutes façon ils ne pourraient pas le
verbaliser vu qu’il n’a pas d’existence-papier, mais ils n’essayent même
pas.
Hébergement
Bon,
j’ai parlé d’hospitalité au-dessus. Ça marche bien dans les villages.
C’est comme de faire du stop, mais avec des maisons à la place des
voitures. En ville, ça marche aussi mais il faut s’y prendre
différemment. On demande l’hospitalité sur internet. Il y a plusieurs
réseaux. Le “Windows” de l’hospitalité s’appelle Couchsurfing, je n’utilise pas ce réseau pour la même raison que je n’utilise pas Windows. Le “linux” c’est BeWelcome, si vous êtes à vélo, c’est Warm Showers, et si vous êtes un voyageur sans argent, c’est Trustroots.
Sinon,
c’est jamais une mauvaise idée de marcher avec un duvet et un hamac. Si
Madame la Marquise a besoin de son confort, pourquoi pas une tente.
Voilà, hébergement gratuit. Si vous avez besoin d’une douche, y a un
service public aptement nommé pour ça en France. Dans d’autres pays, les
lingettes à cul de bébé, ça marche impeccable. Détail intéressant :
c’est comme ça que les spationautes de la station spatiale
internationale prennent leur douche. Si c’est assez bon pour eux, c’est
amplement suffisant pour nous.
Nourriture
Si
je vous emmenais avec moi soulever le couvercle plastifié d’une benne à
ordure derrière un supermarché, je vous garantis à cent
quatre-vingt-dix pourcents que vous allez être stupéfait. Les poubelles
de supermarché, c’est la fête du slip de la bouffe gratuite. Je vous
conseille aussi de passer au marché juste après la fermeture.
Dans
certains pays cool d’Europe du Nord, il y a des cantines citoyennes
dans les villes, où on mange chaud, bien, équilibré et à prix libre. En
Allemagne, on appelle ça des Vokü. Je ne sais pas c’est quoi en Danois,
mais c’est certain qu’il y en a. C’est pas super pratique ou fiable: il
faut savoir où se rendre à quel jour de la semaine, et des fois, c’est
fermé, mais on ne va pas cracher dans la soupe gratuite, hein. Surtout
quand elle est si bonne.
Les pays riches et
avec peu de crime sont les meilleurs pour la pêche aux poubelles. Dans
les pays pauvres, il est plus difficile de voyager vraiment sans
argent. Par contre, si vous en avez un peu, la bouffe est peu chère. Le
pire ce sont les pays riches et à forte criminalité comme les USA et…
euh… c’est tout. Les poubelles sont derrières plusieurs rangées de
barbelés et si vous vous faites surprendre, c’est légal de vous
flinguer. Disons que je déconseille le voyage sans argent aux USA.
Quel intérêt?
Bien
sûr, le fait que le voyage sans argent ne coûte rien est déjà une bonne
raison. Cela dit, si vous avez un CDI, le prix d’un billet de train ou
d’une chambre d’hôtel ne vous parait peut-être pas rédhibitoire. Mais
franchement, je conseillerais le voyage sans argent même à l’héritier de
Liliane Bettencourt. Ne serais-ce que pour faire face à cette vérité
qui dérange : le monde regorge de gens bienveillants en manque de
bienveiller.
C’est pas un crime de leur en donner l’occasion. Que
dis-je “pas un crime” ?
C’est votre mission sacrée !
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